Une gauche combative pour le Valais

Publié le par gauche valaisanne alternative

On peut se demander pourquoi fonder un nouveau mouvement de gauche en Valais: dans notre canton, la gauche est faible et, déjà, à côté de la majorité PS, sont apparus ces dernières années les Verts et le PCS. A quoi sert-il donc d'ajouter encore à cette diversité ? Une nouvelle division ne va-t-elle pas affaiblir la gauche et rendre service à cette droite si puissante dans notre canton traditionaliste ? Pourquoi d'autre part, alors que la gauche de la gauche, qui décidément n'est pas à la mode, essuie des échecs un peu partout, créer un mouvement qui s'apparente à elle ?
 
A vrai dire, il y a beaucoup à répondre. D'abord, il faut constater que les forces de gauche actuellement existantes ne représentent pas tout l'éventail des conceptions de gauche. Le PS, même si en Valais, et en Suisse romande en général, il a conservé une part de sa combativité, adhère à la social-démocratie qui ne voit pas d'alternative au système actuel, défend surtout les acquis du passé sans prévoir l'aveniret est en général prête à tous les compromis lorsqu'il s'agit de participer au pouvoir à tous les échelons. Les Verts, même s'il est entre eux des divergences (ils sont plus à gauche au Parlement fédéral), sont globalement un parti de centre-gauche, dont les propositions novatrices sont souvent marquées par une trop grande modération. Le PCS exprime aussi une sensibilité centriste, en plus liée à une vision confessionnelle du monde. Ainsi ceux qui pensent qu'on peut dès maintenant travailler à changer profondément le monde dans lequel nous vivons en songeant déjà au dépassement du capitalisme ne sont pas représentés par les actuels partis de la gauche valaisanne: irréalistes pour le PS, archaïques pour les Verts, sans doute excessifs pour les chrétiens-sociaux, les défenseurs d'une gauche à la gauche du PS ne trouvent aujourd'hui pas leur place sur l'échiquier politique cantonal.
 
Pourtant, et c'est la deuxième justification de la création d'une nouvelle structure, il est aujourd'hui plus que jamais nécessaire de refuser sans concession de nombreux aspects du système actuel, tout en ouvrant le plus large débat démocratique pour la construction d'une alternative. En effet les partis de la gauche modérée, du fait de leur participation aux coalitions gouvernementales contrôlées par la droite, sont toujours prêts aux compromis, et de compromis en compromis (et en compromissions), ils négligent facilement l'essentiel qu'ils sont censés défendre (il faut penser à la Poste, aux concessions sur le marché de l'électricité, à l'obsession de la croissance économique, du désendettement et de la limitation des dépenses publiques, aux discours sur l'explosion des coûts de la santé, sur le fait qu'il faut "rationaliser pour ne pas rationner", etc.).
Or il est clair qu'aujourd'hui il faut partout dans le monde des mouvements maintenant un engagement sans failles face à certaines questions.
Il y a d'abord le nécessaire engagement sans compromis pour le service public. C'est le service public qui fournit pour tous et dans toutes les régions, même périphériques, les bases d'une existence convenable: éducation, santé, transports, communications, énergie. Un engagement sans failles ne se réduit pas dans ce domaine à défendre un vague service universel que n'importe qui, même des sociétés anonymes plus ou moins contrôlées par l'Etat, pourrait fournir. Pour l'essentiel, en vue du respect de la qualité et de l'égalité d'accès, il faut défendre et promouvoir un service public directement aux mains de l'Etat. Concrètement, cela veut dire qu'il faut lutter pour qu'on n'écoute plus les sirènes de la libéralisation qui par exemple démembre et affaiblit toujours plus Swisscom et la Poste. Il est aussi sûr qu'à terme il faudra obtenir que les entreprises aujourd'hui soumises à la libéralisation, puisse retrouver, à l'abri de la concurrence, une vraie philosophie du service public. Une deuxième tâche est de lutter sans failles pour développer notre système public de protection sociale: cela veut dire un système d'assurance maladie à but uniquement social qui ne soit pas confié à des sociétés privées se vouant aussi au commerce, une vraie AI qui ne montre pas du doigt ceux qui en ont besoin, un premier pilier conséquent intégrant le deuxième pilier branlant et cela, au plus tard à 65 ans. Une troisième tâche essentielle est la défense de la qualité de vie et de l'emploi à travers une autre économie. Au départ, il n'est pas nécessaire de tout révolutionner pour aller dans cette direction. Il faut d'abord penser à maintenir un tissu solide d'entreprises agricoles familiales et de PME. Il ne faut pas seulement soutenir les entreprises compétitives travaillant dans les secteurs dynamiques en vue d'exporter, mais aussi celles qui travaillent pour le marché intérieur. Dans ce but, il s'agit d'encourager l'achat des produits régionaux, d'établir si possible un lien direct avec les producteurs, de recourir le plus souvent aux entreprises locales même si ailleurs on est un peu moins cher, de chercher à se soutenir plutôt qu'à se faire une vaine concurrence, en créant des réseaux de coopération à l'échelle régionale. Quand les circonstances s'y prêtent, par exemple s'il est question de fermer une entreprise rentable pour des raisons spéculatives et qu'on ne trouve pas de repreneur privé, la création d'entreprises coopératives propriété des travailleurs, plutôt que d'entreprises privées, doit aussi nous préoccuper: elles peuvent être aussi efficaces que les autres et sont supérieures du point de vue démocratique et humain. Pour les travailleurs des grandes sociétés capitalistes, il est clair qu'une lutte constante et sans failles pour de meilleures conditions de travail, notamment salariales, et pour une meilleure participation à la gestion des entreprises, s'impose plus que jamais. Il est aussi clair qu'à l'heure où tombent toutes les frontières au nom du seul enrichissement des plus riches, il n'est pas possible de préserver la qualité de vie des habitant-e-s d'un pays, sans rejeter les grands ensembles néolibéraux comme l'UE dans sa forme actuelle et l'OMC comme elle fonctionne aujourd'hui. Un domaine où il s'agit aussi d'oeuvrer sans compromis (en actes et non en paroles) est l'établissement d'une véritable égalité entre les femmes et les hommes: si la lutte doit se mener au niveau des entreprises pour obtenir l'égalité salariale, elle doit aussi se mener au niveau de l'Etat pour que les postes à responsabilité, dans l'administration et dans les organes élus, soient également partagés.
Il y a peu Moritz Leuenberger a montré son engagement très vacillant pour les retraités en parlant dans la presse de compromis concernant l'AVS: "Cela pourrait par exemple signifier: aussi bien une discussion sur l'âge de la retraite que sur de nouvelles recettes" (voir www.romandie.com). Et Hans-Jürg Fehr a affiché son faible engagement pour l'AI quand il s'est opposé au lancement d'un référendum au motif que "l'UDC aura(it) une nouvelle occasion de tirer à boulets rouges sur les faux invalides" (voir www.tsr.ch). Des affirmations de ce genre, venant de dirigeants très influents, manifestent la faiblesse du PS, quelle que soit la position finalement adoptée. De tels propos amènent à se demander ce qui compte pour ces deux responsables. Sont-ils en premier lieu soucieux des intérêts des citoyens moins favorisés de ce pays, ou songent-ils surtout l'un à gouverner avec les radicaux sans tensions majeures, l'autre à gagner plus de sièges que l'UDC aux prochaines élections fédérales ? Leurs déclarations sont d'ailleurs de la même veine que les plaidoyers de Micheline Calmy-Rey en faveur du paradis fiscal suisse et du secret bancaire.
 
C'est ainsi qu'en Valais comme ailleurs il faut qu'émerge une gauche combative et hostile aux compromis. Elle doit donner à celles et ceux qui ne votent pas ou qui ne votent plus des raisons de s'intéresser à la politique. Elle doit aussi donner à celles et ceux que les louvoiements sociaux-démocrates ne convainquent pas, mais qui votent quand même PS faute de mieux, de quoi s'y retrouver vraiment. Mais elle doit aussi se montrer crédible en montrant que songer au dépassement du sytème actuel n'a rien d'une attitude romantique sans issue, ni d'un extrémisme nostalgique d'un impossible Grand Soir. Une gauche combative est une gauche démocratique, donnant l'initiative aux citoyen-ne-s et non aux leaders et aux appareils, une gauche respectueuse de toutes les libertés légitimes, du caractère graduel de toutes les vraies évolutions et de la nécessité de toujours multiplier les points de vue sur toute situation. Mais une gauche combative est une gauche qui par respect pour les êtres humains et pour leur aspiration à la justice et au bonheur ne pourra jamais non plus accepter de dire que ce qui est vrai est faux et que ce qui fait du tort aux plus faibles peut être de quelque manière justifié ou objet de négociation.
Ainsi il est une place, partout dans le monde, pour une gauche visant à travailler, avec les êtres humains et non seulement pour eux. Le Valais est une région périphérique, peu favorisée, victime potentielle des projets néolibéraux. Il possède aussi les atouts de ses traditions communautaires, d'un sens de l'identité qui peut renforcer les solidarités et d'une combativité qui s'est exprimée notamment dans les luttes paysannes. Il faut qu'ensemble les citoyen-ne-s et travailleurs-ses de ce pays prennent l'initiative pour que cette région reste vivante. Il lui faut une économie diversifiée, qui ne soit pas principalement orientée vers le tourisme de masse. Il lui faut des activités (agriculture, tourisme doux, artisanat) respectueuses de l'environnement. Il lui faut une vraie démocratie aux niveaux politique et économique, accordant tous leurs droits aux femmes, un vrai progrès social, une générosité dans l'accueil des personnes étrangères et dans leur intégration à la vie régionale. Ces aspirations n'ont rien d'extrémiste, mais il est clair qu'aujourd'hui leur réalisation implique la remise en question radicale d'un système fondé sur le culte de la compétition pour l'argent et la consommation au bénéfice d'une poignée de riches de plus en plus riches.
C'est pour une avancée dans une telle direction qu'une gauche alternative doit se constituer en Valais !

Jean-Marie Meilland
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M
Bravo à la gauche alternative valaisanne pour sa fondation, sa combativité, sa créativité. C'est génial de vous savoir là. Et merci pour la citation de Marie d'Ebner... je la garde ! elle vaut complètement pour la bataille contre la 5ème révision. Nous l'avons perdue, mais il fallait la mener. Même si certains, certaines, se sont résignés trop tôt...<br /> <br /> <br /> <br /> Je trouve chouette aussi votre ton, c’est super de dire d’abord qu’on est triste de n’avoir pas pu défendre les gens… <br /> <br /> Et je trouve votre programme bien fait!<br /> <br /> Amicalement !<br /> <br /> Marianne Huguenin
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J
Chers amis, <br /> L'annonce de la création de cette nouvelle formation est une excellente nouvelles pour tous les citoyen-ne-s valaisans soucieux de plus de justice sociale et qui ne se retrouvaient pas ou plus dans la gauche institutionnelle. <br /> C'est également un signal très positif pour l'ensemble de la gauche combative helvétique.<br /> Longue vie donc à la Gauche valaisanne alternative!<br /> <br /> Julien Sansonnens, <br /> POP Vaud<br /> Pully
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